Colonel Michel Goya : « Les efforts militaires annoncés par le président Macron ne suffisent pas »

Colonel Michel Goya : « Les efforts militaires annoncés par le président Macron ne suffisent pas »


L’augmentation est significative. Ce vendredi 20 janvier, lors de ses voeux aux armées à la base aérienne de Mont-de-Marsan (Landes), Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de porter les ressources des armées à 413 milliards d’ici sept ans. Cette augmentation d’un tiers du budget devra être votée lors de la loi de programmation militaire 2024-2030, prévue en mars 2023. « Il faut avoir une guerre d’avance » pour « se préparer à des guerres plus brutales, plus nombreuses et en même temps plus incertaines », a commenté le président devant des officiers supérieurs.L’Express ex-colonel de marine Michel Goya, également consultante pour BFMTV, se félicite de l’orientation, mais regrette de ne pas avoir suffisamment grandi à ses yeux. A l’unisson d’une partie du monde militaire. Entretien.

L’Express : Emmanuel Macron a annoncé une augmentation du budget de l’armée à 17 milliards d’euros par an. C’est remarquable. Est-ce suffisant compte tenu des défis auxquels la France est confrontée ?

Michel Goya: Non. Bien sûr, nous devons applaudir les efforts déployés. Depuis 2015, nous luttons pour sortir de la crise dans laquelle les armées sont enlisées depuis 1990. C’est bienvenu. Mais si vous me demandez si cela suffit, je dis non. On reste en dessous de 3% du PIB, en dessous du budget de l’armée en 1990. Or, on sait qu’avec moins de 3% du PIB, il est difficile de se réoutiller. En comparaison, la Pologne consacrera 5 % de son budget à l’armée, alors qu’aux États-Unis, il est de 3,6 %. Nous étions si bas que nous nous rapprochons encore. Le coût de l’inflation devra également être soustrait de ce budget si, comme je le pense, ce budget sera fait en euros courants plutôt qu’en euros constants.

Concrètement, quel est le risque pour la France, est-ce une dégradation sur la scène internationale ?

Oui, en quelque sorte. On risque de ne pas être au niveau. Prenez la caisse de munitions de l’armée. Nous sommes actuellement dans une situation extrêmement vulnérable. Peut-on dire que cette augmentation du budget va y mettre un terme, qu’on n’aura plus de problèmes d’inventaire ? Non, on ne peut pas dire ça. La vérité est que le format ne change pas. Nous ne nous préparons pas à une guerre majeure.

Mais nous avons une dissuasion nucléaire qui nous empêche d’attaquer notre territoire. Dans ces circonstances, ne serait-il pas excessif d’augmenter le budget de l’armée de 25 ou 30 milliards d’euros ? Car cela reviendrait à couper dans les budgets d’autres ministères, comme l’instruction publique, la justice ou la police.

A court terme, on peut vraiment comprendre cette décision. Mais cela, je pense, est à courte vue. Comparons avec les Américains : si nous arrivions à leur niveau d’efforts, cela voudrait dire que le budget de nos armées serait de 92 milliards d’euros par an. C’est 50 milliards de plus qu’aujourd’hui. En revanche, augmenter le budget des armées ne coûte pas si cher car vous avez un retour sur investissement. Vous exportez ce que vous produisez et créez des emplois. Ce sont aussi des industries qui ne peuvent pas être déplacées. Sinon, nous perdrons notre influence sur la scène internationale. Pourquoi pas, mais il faut accepter que nous réduisons nos ambitions internationales, que nous ne nous soucions plus des affaires du monde.

Emmanuel Macron a annoncé une augmentation budgétaire d’urgence pour le renseignement militaire et la cybercriminalité. Approuvez-vous cette stratégie ?

Bien sûr, ça va dans le bon sens. Ce discours prend en compte les nouvelles règles du jeu, que j’appelle « affrontement », c’est-à-dire le niveau d’affrontement juste en dessous de la guerre ouverte par des moyens non conventionnels. Mais beaucoup d’entre nous disent cela depuis six ou sept ans. Cette annonce arrive donc un peu tard. Premièrement, je crois que nous devons également développer les moyens habituels de créer la peur. Par exemple, l’artillerie de l’armée. Notre équipement est très bon, à commencer par les fameuses armes César, mais nous avons de très petites quantités. Ces notifications ne changeront pas l’échelle. Si nous devons le livrer à des pays amis comme l’Ukraine, comment le faisons-nous ? Cela ne nous suffira pas.

Le chef de l’Etat a aussi appelé les constructeurs à baisser le coût des équipements, même si c’est moins compliqué. C’est un discours que vous tenez depuis des années. Comment faire ?

Il est clair qu’il faut forcer les constructeurs. Spontanément, ils ont toujours tendance à faire très technologiquement, très cher, très long à produire. Il faut les sortir de cette logique. Et puis, pour certains produits, il ne faut pas hésiter à maintenir des stocks stratégiques afin de pouvoir produire le plus possible en France. Car si on se met en colère contre les pays fournisseurs, on fait quoi ?



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